LA PIRE HONTE DE NOTRE PAYS !!!
AMNESTY INTERNATIONAL
DÉCLARATION PUBLIQUE
Index AI : AFR 35/001/2011
7 octobre 2011
Madagascar. Les droits humains doivent être au coeoeoeoeur de la feuille de route pour
sortir de la crise
Amnesty International demande aux autorités de transition malgaches de se soucier davantage
des violations persistantes des droits humains, et de veiller à ce que le respect et la protection de
ces droits ainsi que la lutte contre l’impunité soient au centre de la mise en oeuvre de la feuille de
route de sortie de crise, signée par les dirigeants politiques malgaches le 17 septembre 2011.
Amnesty International craint que des membres des forces de sécurité malgaches, dont la police,
la gendarmerie et d’autres organes créés par la Haute autorité de la transition (HAT) ne
continuent à se rendre coupables de graves violations des droits humains, dont des exécutions
extrajudiciaires, des actes de torture et des arrestations et placements en détention illégaux.
L’organisation est particulièrement préoccupée par les informations faisant état de l’exécution
extrajudiciaire de délinquants présumés par des membres des forces de sécurité malgaches.
C’est le cas de trois personnes abattues le 8 septembre 2011 vers 10 heures du matin sur le
boulevard de l’Europe à Antananarivo, la capitale, par des membres du Groupe d’intervention
rapide (GIR), une unité de la police malgache. Des témoignages recueillis par des délégués
d’Amnesty International à Antananarivo indiquent que le GIR a recouru à une force excessive
contre ces trois hommes, qui n’étaient semble-t-il pas armés lorsque cette unité de police les a
abordés et qui ne lui auraient opposé aucune résistance. Ils se trouvaient à quelques mètres des
policiers, qui ont ouvert le feu et les ont tués alors que, selon les déclarations de plusieurs
personnes ayant assisté à la scène, ces agents auraient pu procéder à leur arrestation.
Amnesty International craint également qu’un chauffeur de taxi, Hajaharimananirainy Zenon,
connu sous le nom de Bota, n’ait été torturé. Cet homme a été appréhendé par des membres de
la Force d’intervention de la police (FIP) dans la nuit du 17 juillet 2011 dans le secteur de Vatobe-
Ankasina, dans le quartier des 67 ha à Antananarivo. Il a semble-t-il été torturé par la police et est
mort en détention. Des membres de la FIP ont ensuite déposé son corps à la morgue de l’hôpital
général d’Antananarivo dans la matinée du 18 juillet 2011.
L’organisation s’inquiète par ailleurs de l'arrestation et du maintien prolongé en détention sans
jugement d’opposants politiques, avérés ou présumés, à la Haute autorité de la transition.
Certaines personnes appréhendées en 2009 se trouvent ainsi toujours en détention sans avoir été
jugées. C’est le cas de Rakotompanahy Andry Faly, ancien stagiaire à la station de radio de
Malagasy Broadcasting System (MBS) – qui appartenait à l’ancien président, Marc
Ravalomanana –, arrêté avec trois autres employés de MBS à Antananarivo le 23 juin 2009 par
des membres de la Commission nationale mixte d’enquête (CNME), un organe spécialement créé
par la HAT. Ces quatre personnes ont été placées en détention à la prison de sécurité maximale
de Tsiafahy le 7 juillet 2009. En juillet 2011, Andry Faly a été transféré à la clinique de la prison
centrale d'Antanimora, à Antananarivo, où il se trouvait toujours en septembre 2011 bien que ses
problèmes de santé requièrent des soins adaptés. Les autorités judiciaires ont rejeté toutes ses
demandes de libération sous caution. Soupçonné d’avoir joué un rôle dans l’explosion de bombes
artisanales dans divers secteurs d’
Antananarivo à la mi-2009, il a été inculpé d'atteinte à la sûretéde l'État après son arrestation. Andry Faly était l’un des 18 détenus ayant mené une grève de la
faim en détention en 2010 pour exhorter les autorités malgaches à organiser leur procès dans des
délais raisonnables.
Les conditions de détention dans ce pays sont très dures et les droits des détenus ne sont pas
respectés ni protégés. Les soins de santé, la nourriture et les installations sanitaires en détention
sont insuffisants. Par exemple, quand les délégués d’Amnesty International se sont rendus à la
prison centrale d’Antanimora à Antananarivo le 15 septembre 2011, les détenus étaient au
nombre de 2 831 alors que cet établissement est censé en accueillir 800 maximum. La plupart
étaient en détention provisoire. Les femmes sont séparées des hommes, mais certaines d’entre
elles sont incarcérées avec leur bébé ou leurs jeunes enfants, ce qui met leur santé en danger,
tandis que des détenues enceintes ne reçoivent pas les soins médicaux dont elles ont besoin. Les
garçons mineurs sont incarcérés dans un établissement à part, mais les jeunes filles sont
détenues au côté de femmes adultes.
Amnesty International demande aux autorités de transition malgaches de diligenter
immédiatement une enquête indépendante et impartiale afin de faire toute la lumière sur les
circonstances dans lesquelles ces atteintes aux droits humains et d’autres ont été commises. Les
conclusions de cette enquête doivent être rendues publiques. Les membres des forces de
sécurité malgaches et autres fonctionnaires ayant ordonné, cautionné ou commis des violations
des droits humains doivent être traduits en justice. L’enquête doit par ailleurs recommander aux
autorités des mesures visant à prévenir les violations des droits humains à l’avenir et à permettre
que les victimes puissent recevoir des réparations justes et adaptées.
L’organisation déplore par ailleurs les atteintes au droit à un procès équitable dans les cas
impliquant des opposants à la Haute autorité de la transition ou des personnes appartenant ou
soupçonnées d’appartenir au parti politique de l’ancien président Marc Ravalomanana. Dans
certains cas, les suspects ont été privés du droit d’être rapidement présentés à un juge ou d’être
jugés dans des délais raisonnables ; dans d’autres, les accusés ont été privés du droit de se faire
assister par un avocat.
Amnesty International est également préoccupée par le fait que certains organes, comme la Force
d’intervention spéciale (FIS), effectuent des enquêtes, des arrestations et des placements en
détention sans y être légalement habilités. L’organisation demande à la HAT de dissoudre
immédiatement ces organes et de laisser les enquêtes sur les infractions pénales au système
d’application des lois et au système de justice existants, en particulier à la police et au ministère
public.
Si Amnesty International prend note des évolutions importantes ayant eu lieu sur le plan politique,
à l’instar de la signature de la feuille de route, elle regrette que celle-ci fasse peu de cas de la
situation des droits humains dans le pays. L’organisation demande à toutes les parties impliquées
dans ce processus – dont les membres de la communauté internationale – de faire en sorte que
le respect, la promotion et la protection des droits humains, ainsi que la lutte contre l’impunité
pour les violations de ces droits aient une place de choix dans la mise en oeuvre de la feuille de
route.
Afin de favoriser la promotion, la protection et le respect des droits humains à Madagascar
pendant cette période de transition et au-delà, Amnesty International demande aux institutions de
transition malgaches d’élaborer une véritable stratégie en matière de droits humains dans le cadre
de la feuille de route.
Les autorités de transition doivent :
affirmer publiquement leur engagement en faveur de normes internationales en matière
de droits humains, et mettre fin aux violations des droits humains que continuent à
commettre certains organes responsables de l’application des lois ;
garantir qu’une enquête prompte, approfondie et impartiale sera menée dans les
meilleurs délais sur l’ensemble des atteintes graves aux droits humains, et que celles-ci
donnent lieu à des poursuites devant un tribunal compétent, impartial et indépendant,
dans le cadre de procédures respectant l’équité en la manière et sans que la peine de
mort ne soit requise ;
veiller à ce que les victimes de violations des droits humains commises durant la crise
politique puissent obtenir l’aide de la justice et se voir accorder des réparations, sous
forme de restitution, de réadaptation, d’indemnisation et de garanties de non-répétition ;
prendre des mesures nécessaires pour s’assurer que la FIS et d’autres organes mis sur
pied par la HAT soit dissous, et confier en conséquence leurs tâches à la police, à la
gendarmerie et à l'armée nationale respectivement;
s’assurer que tout éventuel projet de loi d’amnistie ne couvre pas les crimes de droit
international, que l'amnistie ne soit pas accordée aux auteurs présumés de violations des
droits humains avant que les victimes n'aient obtenu justice en bénéficiant d’un recours
utile, et qu’elle soit sans effet sur le plan juridique dans le cadre des procès intentés par
les victimes faisant valoir leur droit à réparation ;
avec le soutien de la communauté internationale, et en particulier du Haut-commissariat
des Nations unies aux droits de l’homme, veiller à ce que la Commission nationale des
droits humains dispose des ressources nécessaires et fonctionne efficacement.
Complément d’information
Le 17 septembre 2011, sous l’égide de la Communauté de développement de l'Afrique australe,
les dirigeants politiques malgaches ont signé à Ivato, près de la capitale, Antananarivo, une feuille
de route afin de trouver une solution à la crise politique que traverse leur pays. Cela a fait suite à
plusieurs autres accords politiques ayant échoué, également signés par les politiciens malgaches
dans le but de sortir de la crise actuelle.
De graves violations des droits humains, dont des exécutions extrajudiciaires, ont été commises
dans le contexte de cette crise politique.
En février 2010, Amnesty International a publié unrapport intitulé
Madagascar : un urgent besoin de justice (Index AFR 35/001/2010) revenant surdes violations des droits humains perpétrées dans le pays du début de la crise politique, en
décembre 2008, à janvier 2010. Ce document indiquait que de graves atteintes aux droits
humains étaient commises par des membres des forces de sécurité malgaches - y compris sous
l’ancien président Ravalomanana -, qui jouissaient d’une impunité quasi totale tandis que leurs
victimes n’avaient pas accès à la justice, ni à des procédures équitables leur permettant d’obtenir
réparation.
Une délégation d’Amnesty International a effectué une mission de recherche à Antananarivo du 9
au 22 septembre 2011. Les délégués ont constaté que la plupart des atteintes aux droits humains
dénoncées dans les rapports précédents d’Amnesty International étaient perpétuées par des
membres des forces de sécurité malgaches bénéficiant d'une impunité presque totale, et que les
autorités n'avaient véritablement mis en oeuvre qu’un très petit nombre des recommandations
émises par l’organisation.
Les délégués d’Amnesty International ont pu rencontrer divers acteurs, dont des autorités
nationales malgaches, et évoquer ces questions, ainsi que les résultats de leur mission, avec eux.
Ils ont rencontré le Premier ministre, la ministre de la Justice, la ministre des Affaires étrangères,
le ministre des Forces armées, le ministre de la Sécurité intérieure, dont dépend la police, et le
ministre de la Communication. La délégation a également dialogué avec des diplomates en poste
à Antananarivo, des représentants de l’opposition politique, des avocats, des journalistes ainsi
qu’avec des victimes de violations des droits fondamentaux. Ils ont aussi participé à des réunions
avec des membres du personnel des Nations unies et d’organisations non gouvernementales
internationales et locales. Ils se sont par ailleurs rendus à la prison centrale d'Antananarivo.
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